Clickjacking: Le détournement invisible

INTRODUCTION

©pexels.com

Peu connu du grand public, le clickjacking est une méthode sournoise exploitée par les cybercriminels pour manipuler les clics des utilisateurs à leur insu.
Plus insidieux qu’il n’y paraît, il cible autant les particuliers que les entreprises, et ses conséquences peuvent être dévastatrices.

Dans cet article, nous allons décrypter ce phénomène méconnu :

  • Qu’est-ce que le clickjacking ?
  • Comment fonctionne-t-il ?
  • En quoi est-il dangereux ?
  • Et surtout, comment s’en protéger ?

Vous découvrirez également ses liens potentiels avec d’autres attaques, comme le phishing, et des exemples réels pour mieux comprendre son impact.

CLICKJACKING: LA MENACE INVISIBLE

Le clickjacking, contraction de « click » (clic) et « hijacking » (détournement), est une méthode sournoise utilisée par les cybercriminels pour manipuler vos clics.

En quoi cela consiste ?

Vous pensez interagir avec un élément légitime d’une page web, comme un bouton ou un lien. En réalité, votre clic déclenche une action cachée que vous n’avez jamais souhaitée.

Une menace qui joue sur l’illusion

Le clickjacking repose sur un concept simple : détourner votre clic en jouant sur l’apparence d’une page web. Voici comment cela fonctionne :

  • Un élément visible mais trompeur : Ce que vous voyez est conçu pour attirer votre attention, comme un bouton « Télécharger » ou « Valider ».
  • Un élément invisible mais actif : Une action malveillante, comme la validation d’un paiement ou le partage de vos données, est superposée de manière invisible grâce à des techniques comme les frames (cadres HTML).
  • Un utilisateur piégé : Pensant interagir avec la page légitime, vous cliquez sans savoir que vous avez activé un processus dangereux.

Le concept de clickjacking a été décrit pour la première fois en 2008 par des chercheurs en cybersécurité.
À l’époque, les attaques ciblaient principalement des actions simples, comme ajouter un « J’aime » sur une page Facebook.
Mais avec l’évolution des technologies, le clickjacking est devenu plus sophistiqué :

  • Des objectifs diversifiés : Transfert de fonds, prise de contrôle de comptes, ou activation de périphériques comme la webcam.
  • Des méthodes plus complexes : Les cybercriminels combinent souvent le clickjacking avec d’autres techniques, comme le phishing, pour maximiser l’impact.

Pourquoi le clickjacking est-il si dangereux ?

Le clickjacking est particulièrement redoutable car il est :

  • Invisible : Contrairement à d’autres attaques comme le phishing, il n’y a souvent aucun signe apparent pour alerter l’utilisateur.
  • Facile à exécuter : Il exploite des fonctionnalités web légitimes (comme les frames) sans nécessiter de programmes complexes.
  • Polyvalent : Il peut cibler des utilisateurs individuels, des entreprises, ou même des plateformes entières.

Un phénomène souvent méconnu

Malgré son danger, le clickjacking reste peu connu du grand public. Cela s’explique par sa discrétion : tant que la victime ne constate pas les conséquences (comme un paiement injustifié), elle ne se rend même pas compte qu’elle a été piégée.

Dans les sections suivantes, nous détaillerons les mécanismes précis d’une attaque, ses liens avec d’autres menaces comme le phishing, et les moyens de s’en protéger.

Pour bien saisir la subtilité du clickjacking, il est essentiel de comprendre ses mécanismes. Contrairement à des attaques plus brutales comme le phishing, le clickjacking repose sur la manipulation visuelle et structurelle d’une page web pour exploiter la confiance de l’utilisateur.

Les étapes typiques d’une attaque

Voici comment se déroule généralement une attaque de clickjacking :

  1. Création d’une page malveillante :
    • L’attaquant conçoit une page web trompeuse, souvent attrayante ou liée à une offre alléchante, pour inciter l’utilisateur à interagir.
    • Exemple : « Gagnez un iPhone en un clic ! » ou « Téléchargez gratuitement cet eBook exclusif ».
  2. Superposition d’une frame invisible :
    • Une frame HTML (balise <iframe>) est utilisée pour afficher une autre page web (souvent légitime) au-dessus ou en dessous de la page visible.
    • Cette frame est ajustée pour être invisible ou partiellement visible.
  3. Masquage de l’objectif réel :
    • Le contenu malveillant est placé sur une position spécifique, de sorte que l’utilisateur clique dessus sans s’en rendre compte.
    • Par exemple, un bouton « Valider » frauduleux peut être aligné avec un bouton visible comme « Annuler » ou « Télécharger ».
  4. Exécution de l’action malveillante :
    • Une fois le clic effectué, l’action prévue par l’attaquant se déclenche : validation d’un paiement, partage de données sensibles, ou modification de paramètres critiques.

Un exemple concret en HTML

<!DOCTYPE html>
<html>
<head>
    <title>Page d'arnaque</title>
    <style>
        /* La frame est configurée pour être invisible */
        iframe {
            position: absolute;
            top: 0; /* Aligné en haut de la page */
            left: 0; /* Aligné à gauche de la page */
            opacity: 0; /* Rend la frame complètement transparente */
            z-index: 999; /* Place la frame au premier plan */
            width: 100%; /* Prend toute la largeur de la page */
            height: 100%; /* Prend toute la hauteur de la page */
        }
    </style>
</head>
<body>
    <!-- Contenu visible et trompeur -->
    <h1>Obtenez un coupon gratuit !</h1>
    <button>Cliquer ici pour télécharger</button> <!-- Ce bouton semble légitime -->

    <!-- Frame malveillante contenant une page externe -->
    <iframe src="https://site-victime.com/validation-paiement"></iframe>
    <!-- 
    Cette frame invisible charge une page située sur "https://site-victime.com/validation-paiement".
    C'est ici que le bouton final redirige en réalité, par exemple pour valider un paiement frauduleux ou 
    autoriser l'accès à des données sensibles. L'utilisateur ne le voit pas car la frame est cachée. 
    -->
</body>
</html>

Explications pour les débutants

  1. La balise <iframe> est utilisée pour charger une autre page web (ici, le site victime).
  2. L’attribut opacity: 0 rend cette frame invisible.
  3. L’utilisateur croit cliquer sur le bouton visible, mais il interagit en réalité avec la frame cachée.

Pourquoi ça marche ?

Les attaques de clickjacking exploitent deux facteurs clés :

  • La confiance de l’utilisateur : Les victimes ne s’attendent pas à ce que leur clic soit détourné.
  • Les failles des navigateurs : Certains navigateurs permettent encore le rendu de frames invisibles sans restriction.

Le clickjacking et le phishing sont deux techniques de cyberattaque qui, bien que différentes dans leur fonctionnement, partagent un objectif commun : manipuler les utilisateurs pour qu’ils effectuent des actions à leur insu.
Mais quels sont leurs points communs, leurs différences, et comment ces deux méthodes peuvent-elles se compléter ?

Des similitudes frappantes

À première vue, clickjacking et phishing semblent appartenir à des catégories différentes. Pourtant, ils présentent plusieurs similitudes :

Manipulation de la victime :

  • Le phishing repose sur des courriels ou des sites factices qui trompent l’utilisateur pour lui faire révéler des informations sensibles.
  • Le clickjacking, quant à lui, détourne des clics en exploitant des interfaces truquées.

Objectifs communs :

  • Ces deux attaques visent à atteindre des objectifs similaires, tels que :
    • Voler des données personnelles (identifiants, mots de passe).
    • Effectuer des transactions frauduleuses.
    • Infecter des systèmes avec des logiciels malveillants.

Cibles variées :

  • Les particuliers sont souvent les premières victimes, mais les entreprises (TPE/PME) peuvent également être ciblées, notamment via des applications ou sites internes mal sécurisés.

Malgré leurs similitudes, ces deux méthodes présentent des différences notables :

  • Mécanisme :
    • Le phishing repose sur la création de faux contenus (comme un courriel ou un site), incitant l’utilisateur à fournir volontairement ses informations.
    • Le clickjacking détourne directement une action légitime, sans que l’utilisateur ne sache qu’il est manipulé.
  • Visibilité :
    • Une attaque de phishing peut parfois être détectée (par exemple, une URL suspecte ou des fautes dans un e-mail).
    • En revanche, le clickjacking est quasi invisible pour la victime, car l’interface semble légitime.

Un duo redoutable

Les cybercriminels combinent parfois le clickjacking et le phishing pour maximiser l’impact de leurs attaques. Voici un exemple :

  1. Un utilisateur reçoit un e-mail de phishing lui demandant de cliquer sur un lien pour « vérifier son compte ».
  2. Le lien le redirige vers une page piégée. Sur cette page, un clickjacking invisible force l’utilisateur à activer une fonctionnalité malveillante, comme partager ses identifiants ou déclencher une transaction.

Exemple réel : Quand le phishing rencontre le clickjacking

En 2020, des chercheurs en cybersécurité ont identifié une campagne combinant ces deux méthodes. Les attaquants envoyaient des courriels frauduleux à des utilisateurs d’une plateforme bancaire, les redirigeant vers une page où un clickjacking activait automatiquement une demande de transfert de fonds.
Résultat : des milliers d’euros volés, sans que les victimes aient conscience de ce qu’il s’était passé.

Le clickjacking est une attaque insidieuse qui, bien qu’invisible pour la victime, peut avoir des conséquences désastreuses.
Son danger réside autant dans sa simplicité d’exécution que dans la diversité de ses applications malveillantes.

Des conséquences multiples et graves

Le clickjacking peut engendrer de nombreux problèmes pour les particuliers comme pour les entreprises.

Voici quelques-unes des conséquences les plus fréquentes :

Vol de données sensibles :

  • Par exemple, un utilisateur peut involontairement partager ses identifiants de connexion, ses coordonnées bancaires, ou même des documents confidentiels.

Validation de paiements frauduleux :

  • Une simple action, comme cliquer sur un bouton visible, peut activer un processus caché, validant une transaction financière à l’insu de l’utilisateur.

Activation de fonctionnalités critiques :

  • Certaines attaques de clickjacking exploitent des fonctionnalités matérielles, comme activer la webcam ou le microphone de la victime sans autorisation.

Perturbation des entreprises :

  • Les TPE/PME, souvent moins protégées, peuvent devenir des cibles privilégiées.
    Par exemple, un employé peut, sans le savoir, valider des modifications importantes sur un système interne.

Pour mieux comprendre la gravité de cette menace, examinons quelques faits marquants :

  • L’attaque sur Adobe Flash Player (2010) :
    • Les utilisateurs étaient incités à cliquer sur un bouton visible, mais le clickjacking modifiait en arrière-plan les paramètres critiques de leur application Flash, exposant leurs données personnelles.
  • Vols de clics sur les réseaux sociaux :
    • Des campagnes ont détourné des clics sur des boutons « J’aime » ou « Partager » pour promouvoir des contenus frauduleux ou malveillants, parfois à l’insu de millions d’utilisateurs.
  • Détournement bancaire :
    • Dans certains cas, le clickjacking a été utilisé pour forcer des transferts de fonds ou des paiements en ligne, ciblant à la fois les particuliers et les entreprises.

Le caractère invisible du clickjacking le rend particulièrement redoutable. Contrairement à d’autres attaques, comme le phishing où des indices (URL suspecte, fautes dans le message) peuvent alerter la victime, ici :

  • Aucune alerte visuelle : L’interface semble parfaitement légitime, car l’attaque se déroule en arrière-plan.
  • Pas de déclenchement immédiat : Les conséquences peuvent parfois survenir bien après l’action de la victime, rendant l’origine de l’attaque encore plus difficile à identifier.

La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des solutions efficaces pour se prémunir contre les attaques de clickjacking.
Ces mesures varient selon que vous soyez un utilisateur ou une entreprise, mais elles partagent un objectif commun : rendre les actions malveillantes impossibles, ou du moins, visibles.

Quelles solutions pour les utilisateurs ?

Si vous naviguez régulièrement sur Internet, voici quelques bonnes pratiques à adopter pour limiter les risques :

  1. Mettre à jour votre navigateur :
    • Les navigateurs modernes intègrent des mécanismes pour bloquer automatiquement les frames invisibles malveillantes. Assurez-vous de toujours utiliser leur dernière version.
  2. Désactiver les frames dans les paramètres :
    • Certains navigateurs permettent de désactiver le chargement des frames pour les sites non sécurisés. Cette option peut être utile pour éviter le contenu caché.
  3. Utiliser des extensions anti-clickjacking :
    • Des extensions comme NoScript ou uBlock Origin permettent de bloquer les scripts malveillants et les frames suspectes.
  4. Éviter les clics sur des offres douteuses :
    • Méfiez-vous des annonces trop alléchantes ou des boutons suspects sur des sites peu connus. Si une page vous demande de cliquer pour « gagner un prix » ou « accéder à du contenu exclusif », il s’agit souvent d’un piège.
  5. Activer l’option « X-Frame-Options » via une extension :
    • Bien que cela relève plus du domaine technique, certaines extensions offrent des options pour forcer le navigateur à bloquer les frames tierces non autorisées.

Quelles mesures pour les entreprises ?

Les entreprises, en particulier les TPE et PME, doivent également protéger leurs plateformes en ligne pour éviter de devenir la cible ou l’intermédiaire d’une attaque de clickjacking.
Voici quelques mesures techniques essentielles :

  1. Configurer l’en-tête HTTP X-Frame-Options :
    • Cette en-tête permet d’empêcher qu’une page soit chargée dans une frame sur un autre site.
    • Exemple de configuration dans un fichier .htaccess ou sur un serveur web :
      Header always append X-Frame-Options SAMEORIGIN
      La directive SAMEORIGIN autorise uniquement le chargement de la page dans une frame provenant du même domaine.
  2. Utiliser Content Security Policy (CSP) :
    • La CSP est une autre en-tête HTTP qui offre plus de contrôle sur les scripts et les frames d’une page.
    • Exemple :
      Content-Security-Policy: frame-ancestors 'self';
      Cela empêche tout domaine externe d’intégrer la page dans une frame.
  3. Auditer régulièrement les applications web :
    • Les entreprises doivent effectuer des audits de sécurité pour identifier les éventuelles failles pouvant être exploitées par des attaques de clickjacking.
  4. Former les employés :
    • Sensibiliser les employés à reconnaître les indices d’une attaque et à signaler tout comportement suspect sur des applications internes.
  5. Limiter les autorisations sur les sites sensibles :
    • Pour les plateformes sensibles (paiements en ligne, CRM), il est préférable de limiter l’accès aux seules sources de confiance et d’implémenter une authentification renforcée.

Bonnes pratiques générales pour tous

En complément, voici quelques habitudes à adopter :

  • Analyser les liens avant de cliquer : Passez votre souris sur un lien pour vérifier où il mène réellement.
  • Tester vos propres pages web : Si vous êtes développeur ou gestionnaire de site, utilisez des outils pour simuler des attaques de clickjacking et vérifier que vos pages sont protégées.
  • Adopter une navigation sécurisée : Privilégiez les sites en HTTPS et méfiez-vous des alertes de sécurité émises par votre navigateur.

CONCLUSION

Pour conclure, le clickjacking est une menace sournoise qui illustre parfaitement à quel point une simple action anodine peut avoir des conséquences graves.
En jouant sur l’invisibilité et la manipulation, cette technique permet aux cybercriminels de voler des données, détourner des paiements, ou exploiter des fonctionnalités critiques sans que la victime ne s’en rende compte.

Cependant, comme nous l’avons vu, il existe des solutions pour réduire considérablement les risques : mise à jour régulière des navigateurs, utilisation des en-têtes de sécurité comme X-Frame-Options et Content-Security-Policy, sensibilisation des utilisateurs et audits des applications web. Ces mesures, bien qu’imparfaites, restent essentielles pour contrer cette menace.

Que vous soyez un particulier ou une entreprise, il est important de rester vigilant face à ce type d’attaque, car la sécurité numérique repose avant tout sur une combinaison de technologies et de bonnes pratiques.

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