Empoisonnement DNS : Comprendre et se protéger

INTRODUCTION

Mais que se passe-t-il lorsque ce processus, en apparence inoffensif, est manipulé ?
L’empoisonnement du cache DNS, une attaque redoutable mais méconnue, permet aux hackers de rediriger les utilisateurs vers des sites frauduleux sans qu’ils ne s’en rendent compte.
Imaginez vouloir accéder au site de votre banque et finir, à votre insu, sur une copie presque parfaite destinée à voler vos informations.

CACHE DNS, ATTENTION À LA MANIPULATION

Pour comprendre l’empoisonnement du cache DNS, il est essentiel de saisir le rôle du DNS et l’importance du mécanisme de cache.

Le DNS (Domain Name System) fonctionne comme un annuaire téléphonique d’Internet.
Lorsque vous saisissez une adresse web, telle que hacker-ethique.fr, votre navigateur interroge un serveur DNS pour traduire ce nom de domaine en une adresse IP, nécessaire pour établir la connexion.

Pour optimiser la rapidité de navigation et réduire la charge sur les serveurs, le DNS utilise un système de cache.
Ainsi, une fois qu’une adresse IP est résolue, elle est temporairement stockée, permettant des accès ultérieurs plus rapides sans nécessiter une nouvelle requête complète.

Exemple pratique sous Linux avec dig

Pour obtenir l’adresse IP de hacker-ethique.fr, ouvrez votre terminal et exécutez :

dig hacker-ethique.fr

La réponse inclura une section similaire à :

;; ANSWER SECTION:
hacker-ethique.fr.    3600 IN A    188.165.34.215

Ici, 3600 représente le TTL (Time To Live) en secondes, indiquant la durée pendant laquelle cette réponse sera conservée en cache.

Exemple pratique sous Windows avec nslookup

Sous Windows, pour obtenir l’adresse IP, ouvrez l’invite de commandes et tapez :

nslookup hacker-ethique.fr

Nom : hacker-ethique.fr
Address : 188.165.34.215

Ce mécanisme de cache améliore l’efficacité de la navigation, mais il peut devenir une vulnérabilité si un attaquant parvient à y injecter de fausses informations, redirigeant ainsi les utilisateurs vers des sites malveillants.

L’empoisonnement, aussi appelé DNS cache poisoning, est une technique utilisée par les hackers pour manipuler les résolutions DNS.
En modifiant les informations stockées dans le cache d’un serveur DNS, un attaquant peut rediriger les utilisateurs vers des sites malveillants, sans qu’ils ne s’en aperçoivent.

Comment fonctionne l’empoisonnement ?

Lorsqu’un utilisateur cherche à accéder à un site web, son ordinateur interroge un serveur DNS pour traduire le nom de domaine en adresse IP.
Les résultats, stockés dans un cache, sont la cible des attaquants.
En injectant de fausses informations, les hackers peuvent remplacer l’adresse IP légitime (188.165.34.215 pour hacker-ethique.fr) par une adresse frauduleuse.

Un exemple concret :

Imaginez que le site www.banque.fr est censé pointer vers l’adresse IP légitime 203.0.113.10.
Après une attaque, le cache renvoie l’adresse frauduleuse 198.51.100.5, qui héberge une page web identique à celle de la banque mais contrôlée par l’attaquant.
L’utilisateur entre ses identifiants sans se douter qu’il s’agit d’un piège.

Ce type d’attaque est à la fois subtil et efficace, car l’utilisateur ne voit aucune différence. L’adresse affichée dans son navigateur reste www.banque.fr, mais il se trouve en réalité sur un serveur malveillant.

L’empoisonnement du cache DNS est une attaque redoutable, car elle cible une infrastructure essentielle d’Internet. Ses impacts sont lourds, que ce soit pour les particuliers ou les entreprises.

Pour les particuliers : un danger invisible
Cette attaque redirige les utilisateurs vers des sites frauduleux, souvent sans qu’ils ne s’en rendent compte :

  • Vol d’identifiants : Les victimes saisissent leurs mots de passe ou informations bancaires sur des pages imitant des sites légitimes.
  • Infection par des malwares : Les sites malveillants peuvent propager des virus ou des ransomwares.
  • Atteinte à la vie privée : Les données personnelles collectées peuvent être revendues ou utilisées à des fins malveillantes.

Pour les TPE et PME : une menace pour la réputation et les finances
Les entreprises, qui dépendent du DNS pour leurs activités en ligne, peuvent subir :

  • Perte de clients : Une redirection vers un site frauduleux érode la confiance et cause des pertes financières.
  • Communications perturbées : Les emails peuvent être détournés, compromettant les échanges professionnels.
  • Coûts élevés de récupération : Réparer les conséquences d’une attaque peut être long et coûteux.

Un impact global sur Internet
Les attaques DNS ont des effets en cascade :

  • Amplification des attaques DDoS : Les requêtes détournées peuvent surcharger des serveurs critiques.
  • Perturbation des services essentiels : En 2016, l’attaque contre le fournisseur Dyn a perturbé des sites majeurs comme Twitter et Netflix, impactant des millions d’utilisateurs.

Ces conséquences montrent l’importance de sécuriser le DNS pour éviter des dommages massifs.

Pour mieux anticiper et contrer l’empoisonnement du cache DNS, il est important de comprendre les principales méthodes employées par les hackers.

L’injection de fausses réponses DNS
L’une des techniques les plus courantes consiste à injecter de fausses réponses dans le cache d’un serveur DNS.
Voici les étapes clés :

  • Tout d’abord, l’interception de la requête : L’attaquant surveille ou devine qu’un utilisateur effectue une requête, comme pour hacker-ethique.fr.
  • Ensuite, l’injection de la réponse : Avant que la réponse légitime n’arrive, le hacker envoie une fausse réponse. Si le serveur l’accepte, elle est stockée dans le cache.
  • Enfin, la persistance de l’attaque : Tant que le TTL (Time To Live) n’expire pas, cette réponse erronée est réutilisée pour toutes les requêtes futures.

L’exploitation des failles du protocole DNS
En plus de manipuler les réponses, les hackers exploitent des vulnérabilités du protocole DNS :

  • L’absence d’authentification : Chaque requête DNS contient un identifiant unique (Transaction ID), mais cet identifiant peut être deviné par les hackers.
  • Le manque de chiffrement : Les communications DNS sont souvent transmises en clair, ce qui les rend faciles à intercepter.

Un exemple concret sous Linux : analyser une réponse DNS suspecte avec dig
Pour tester une résolution DNS, vous pouvez utiliser la commande suivante :

dig hacker-ethique.fr

Une réponse normale ressemblera à ceci :

;; ANSWER SECTION:
hacker-ethique.fr. 3600 IN A 188.165.34.215

Cependant, en cas d’empoisonnement, vous pourriez obtenir une adresse IP différente, par exemple :

;; ANSWER SECTION:
hacker-ethique.fr. 3600 IN A 198.51.100.5

Si l’adresse ne correspond pas à celle attendue (188.165.34.215), cela peut être un signe de compromission. Vérifiez toujours auprès d’une source fiable.

L’empoisonnement local via le fichier hosts
Au-delà des serveurs DNS, certains hackers ciblent directement les machines des utilisateurs en modifiant le fichier hosts. Ce fichier a priorité sur les requêtes DNS et peut être manipulé dans deux cas principaux :

  1. Un malware installé sur votre machine : Un logiciel malveillant peut ajouter des entrées frauduleuses dans le fichier hosts.
  2. Un accès distant : Si un hacker prend le contrôle de votre machine, il peut modifier ce fichier manuellement.

Voici un exemple de modification malveillante :

198.51.100.5    hacker-ethique.fr

Dans cet exemple, toutes les requêtes vers hacker-ethique.fr seront redirigées vers l’adresse IP 198.51.100.5, hébergeant un site frauduleux.

Comment vérifier votre fichier hosts ?

  • Sous Linux : cat /etc/hosts
  • Sous Windows : Ouvrez le fichier C:\Windows\System32\drivers\etc\hosts avec un éditeur de texte.

Si vous trouvez des entrées suspectes, cela peut indiquer une compromission.

Face à une menace aussi insidieuse que l’empoisonnement DNS, il est important d’adopter des mesures adaptées.
Voici des solutions pour différents types d’utilisateurs.

Particuliers : des gestes simples mais efficaces

  • Choisissez des serveurs DNS sécurisés : Optez pour Cloudflare (1.1.1.1) ou Google Public DNS (8.8.8.8), qui offrent des protections avancées contre les attaques.
  • Installez un antivirus fiable : Les antivirus modernes détectent les modifications suspectes dans le cache DNS ou le fichier hosts.

Entreprises : renforcer les infrastructures DNS

  • Mettez en place DNSSEC : Cette technologie signe les réponses DNS pour garantir leur authenticité.
  • Surveillez les activités DNS : Analysez les logs pour identifier des anomalies, comme des résolutions inhabituelles.
  • Sensibilisez vos équipes : Formez les employés aux risques, notamment ceux liés aux malwares et aux manipulations du fichier hosts.

Administrateurs système : des configurations avancées

  • Configurez des serveurs récursifs sécurisés : Utilisez Unbound ou Bind, avec des règles de sécurité strictes.
  • Limitez les requêtes récursives : Restreignez l’accès aux IP de confiance pour réduire les risques d’abus.
  • Mettez à jour vos logiciels DNS : Les versions obsolètes sont souvent vulnérables à des exploits connus.

Exemple pratique : vérifier DNSSEC avec dig
Pour savoir si un domaine utilise DNSSEC :

dig +dnssec hacker-ethique.fr

Si DNSSEC est activé, la réponse inclura une section AD (Authenticated Data), indiquant que la réponse a été vérifiée:

;; ANSWER SECTION:
hacker-ethique.fr. 3600 IN A 188.165.34.215
;; flags: qr aa rd ra ad;

Surveillez régulièrement le fichier hosts
Vérifiez que le fichier hosts ne contient pas d’entrées suspectes.

  • Sous Linux : cat /etc/hosts
  • Sous Windows : Ouvrez C:\Windows\System32\drivers\etc\hosts avec un éditeur de texte.

En appliquant ces bonnes pratiques, vous réduirez significativement les risques d’empoisonnement DNS, que ce soit sur des machines personnelles ou professionnelles.

Les attaques sur le DNS ne datent pas d’hier, mais certaines ont laissé une empreinte durable. L’une des plus emblématiques est celle révélée en 2008 par Dan Kaminsky, un expert en cybersécurité.

L’attaque DNS de 2008 : une vulnérabilité critique
En 2008, Dan Kaminsky a découvert une faille majeure dans le protocole DNS.
Cette vulnérabilité, présente dans la majorité des serveurs DNS de l’époque, permettait un empoisonnement à grande échelle.
La faiblesse provenait de l’identifiant de requête (Transaction ID), alors trop prévisible.

Voici comment les hackers exploitaient cette faille :

  1. Envoi d’une requête DNS : L’attaquant ciblait un domaine, par exemple hacker-ethique.fr.
  2. Inondation de réponses frauduleuses : Avant que la réponse légitime n’arrive, il envoyait de nombreuses réponses aléatoires.
  3. Réussite par correspondance : Si l’une des réponses contenait l’identifiant attendu, elle était acceptée et enregistrée dans le cache.

Une fois le cache compromis, toutes les requêtes pour ce domaine redirigeaient les utilisateurs vers une adresse IP contrôlée par l’attaquant. Cette méthode pouvait toucher des milliers, voire des millions de personnes.

Les conséquences et les solutions
Cette découverte a eu un impact mondial :

  • Une mobilisation urgente : Dan Kaminsky a collaboré avec les principaux acteurs de l’industrie pour déployer des correctifs. Une mise à jour du protocole DNS a introduit des identifiants plus complexes et aléatoires.
  • Une prise de conscience globale : Cette faille a mis en lumière l’importance de sécuriser le DNS et a favorisé l’adoption progressive de DNSSEC.

Pourquoi ces attaques restent-elles possibles aujourd’hui ?
Bien que les avancées aient réduit les risques, des failles subsistent :

  • Les serveurs non mis à jour restent exposés.
  • Le manque d’adoption généralisée de DNSSEC limite la protection des réponses DNS.
  • Les attaques locales, comme celles impliquant le fichier hosts, échappent à ces mesures.

Cette attaque rappelle que le DNS, bien qu’essentiel, reste une cible vulnérable nécessitant une vigilance constante.

CONCLUSION

Le DNS est l’un des piliers d’Internet, permettant de relier les utilisateurs aux sites qu’ils souhaitent visiter en quelques millisecondes.
Pourtant, cette infrastructure essentielle peut devenir une faiblesse lorsqu’elle est ciblée par des attaques comme l’empoisonnement du cache DNS.

Ce type d’attaque, bien que subtil, peut avoir des conséquences graves, qu’il s’agisse de vols de données personnelles, d’infections par des logiciels malveillants ou encore de perturbations majeures pour les entreprises.
Cependant, en appliquant quelques mesures de sécurité, il est possible de limiter considérablement les risques.

Utiliser des serveurs DNS fiables, surveiller les fichiers locaux de votre système ou encore activer des options de protection avancées comme DNSSEC sont autant de moyens efficaces pour se prémunir contre cette menace.
Même si le DNS peut être une cible privilégiée des hackers, des actions simples permettent de renforcer sa sécurité et de naviguer sereinement.

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