Se former à la cybersécurité : Focus sur les failles humaines
INTRODUCTION
Dans le vaste domaine de la cybersécurité, on parle souvent de failles logicielles, d’attaques complexes ou encore de vulnérabilités matérielles. Pourtant, il existe un type de faille qui est tout aussi dangereux, mais souvent sous-estimé : la faille humaine.
Les failles humaines sont ces vulnérabilités psychologiques que les hackers peuvent exploiter. Contrairement à un logiciel qu’on peut mettre à jour l’esprit humain est plus difficile à « patcher ». Nous sommes tous concernés, car les hackers spécialisés en ingénierie sociale peuvent manipuler nos pensées et nos comportements pour accéder à des informations confidentielles sans même que nous nous en apercevions.
Prenons l’exemple d’un hacker qui cible un administrateur système, ce pilier essentiel de toute infrastructure informatique. Cet individu dispose souvent d’un accès complet aux systèmes d’information, faisant de lui une cible de choix. De la même manière, les comptables, ou tout employé possédant des accès à des données sensibles, sont également exposés. Même des personnes sans responsabilités directes dans la gestion des systèmes peuvent se retrouver vulnérables si elles baissent leur garde.
En effet, le cerveau humain est une machine redoutablement efficace : rapide, adaptable, et résilient. Mais, lorsqu’il est sous pression ou hors de sa zone de confort, il peut devenir vulnérable aux techniques de manipulation. Les hackers savent comment profiter de ces failles cognitives pour « hacker » l’esprit.
Dans cet article, je vous propose d’explorer certaines de ces failles humaines, tout en offrant des techniques de défense pour vous en prémunir. Bien qu’il existe une multitude de scénarios, nous allons nous concentrer sur les plus répandus pour vous sensibiliser sur ces dangers.
INFLUENCE ET MANIPULATION
L’INFLUENCE AU SENS PROPRE
La discrétion, cela vous parle ?
Les hackers qui s’appuient sur l’influence directe privilégient souvent des méthodes discrètes, presque invisibles, car elles sont plus difficiles à détecter. Ils exploitent des facteurs internes à la victime, comme la récompense ou l’attrait personnel. Ce type d’influence est souvent subtil, parfois comparé à un lavage de cerveau léger.
Par exemple, un pirate pourrait encourager sa cible à dévoiler une petite information, en lui offrant quelque chose en retour, sans que la victime ne se doute de la manipulation. Cette méthode est souvent utilisée pour engager un dialogue de confiance, où le hacker, sous une apparence amicale, soutire progressivement des informations de plus en plus sensibles.
Technique de défense
Pour se défendre contre cette influence insidieuse, il est essentiel de questionner toute situation où une récompense ou un gain semble disproportionné par rapport aux informations partagées. Se former à la cybersécurité permet de mieux reconnaître ces situations et de réagir avec prudence, en se demandant toujours « Pourquoi me demande-t-on ça ? ».
TENTATION, SÉDUCTION ET INTIMIDATION
Plus c’est gros plus ça passe ?
Contrairement aux méthodes discrètes, certaines attaques utilisent des facteurs externes, visibles de l’extérieur. Les hackers peuvent recourir à la séduction, promettant quelque chose de tentant, ou à l’intimidation, par la menace. Ces méthodes sont moins souvent utilisées car elles laissent plus de traces et risquent de pousser la victime à la méfiance.
Imaginez un pirate qui menace de bloquer un accès si la victime ne fournit pas rapidement un mot de passe. Cette approche est plus directe, mais elle reste un outil efficace pour les hackers qui visent à semer la peur ou la confusion.
Technique de défense
Face à ces attaques visibles, il est crucial de ne pas céder à la précipitation. Si une demande paraît menaçante ou intimidante, prendre du recul, vérifier l’identité de l’interlocuteur, et ne jamais se sentir obligé de répondre immédiatement sont des mesures simples pour éviter le piège.
MANIPULATION SUR LA COHÉRENCE
C’est logique non ?
La cohérence est un principe psychologique selon lequel nous avons tendance à rester alignés avec nos actions précédentes. Les hackers exploitent cette tendance pour piéger leurs victimes. Par exemple, si vous commencez à interagir avec un email de phishing, vous serez tenté de continuer à suivre les instructions, pensant que vous faites ce qu’il faut.
Les cybercriminels savent que, pour maintenir une apparence de cohérence, les victimes divulguent progressivement plus d’informations sans se poser de questions.
Technique de défense
Lorsque vous ressentez un doute ou une incohérence, il est crucial de réévaluer la situation en vous demandant si chaque action est justifiée ou simplement le résultat de la pression psychologique. Se former à la cybersécurité inclut aussi l’apprentissage de cette prise de recul.
MANIPULATION PAR LA RÉCIPROCITÉ
La réciprocité, vous dites ?
La réciprocité est un principe bien ancré dans la nature humaine. Lorsqu’une personne reçoit quelque chose, elle ressent le besoin de rendre la pareille. Les hackers jouent sur ce mécanisme en offrant quelque chose de simple, comme un conseil ou une aide, pour créer un lien de redevabilité. Par exemple, une aide technique offerte peut amener une victime à se sentir obligée de fournir des informations en retour.
Ce sentiment de dette crée une pression psychologique subtile, qui peut mener à des comportements imprudents, même sans menace directe.
Technique de défense
Face à cette manipulation, il est important de ne pas agir sous pression. Prenez le temps d’évaluer si la demande en retour est justifiée ou s’il s’agit d’un piège.
MANIPULATION SUR L’AUTORITÉ
Autorité ? Je fais ce que je veux non ?
Les symboles d’autorité comme un uniforme, une voix autoritaire ou un titre impressionnant peuvent pousser une personne à obéir sans trop réfléchir. Les hackers le savent bien et s’appuient sur ces signes pour asseoir leur légitimité. Par exemple, un pirate peut se faire passer pour un technicien informatique ou un cadre supérieur pour obtenir des informations sensibles, en jouant sur la crédibilité de son rôle.
Ce type de manipulation repose sur l’idée que nous avons tous tendance à respecter les figures d’autorité sans remettre en question leur légitimité, surtout si la demande semble urgente.
Technique de défense
Pour éviter de tomber dans ce piège, il est essentiel de réduire son stress et de ne pas réagir à la précipitation. Prenez toujours le temps de vérifier l’identité de l’interlocuteur, surtout si la demande est inhabituelle ou semble urgente. Se former à la cybersécurité permet de reconnaître ces situations et de ne pas céder sous la pression.
MANIPULATION SUR LA SYMPATHIE
Et si on vous manipulait avec un sourire ?
Les hackers savent que la sympathie est une émotion puissante, capable de rendre une personne plus vulnérable. En exploitant ce sentiment, un cybercriminel peut se faire passer pour quelqu’un dans le besoin ou une personne de confiance, créant un lien émotionnel qui pousse la victime à agir contre son propre intérêt. Par exemple, un hacker pourrait se présenter comme un collègue en difficulté, demandant de l’aide sous la forme d’informations sensibles ou d’un accès à des systèmes.
Ce type de manipulation joue sur l’instinct humain de bienveillance, rendant difficile pour la victime de dire non à une demande, surtout si elle est formulée de manière sympathique ou urgente.
Technique de défense
Il ne s’agit pas de rejeter systématiquement la sympathie, mais plutôt de prendre un moment pour analyser la situation à tête reposée. Posez-vous la question : cette demande est-elle rationnelle ou suis-je en train d’agir par pure émotion ? Apprendre à faire cette distinction est essentiel pour éviter les pièges.
GRANDE TECHNIQUE DE MANIPULATION
LE PIED DANS LA PORTE
Ça fait mal ?
Le pied dans la porte est une technique de manipulation qui consiste à obtenir un petit engagement initial avant de demander un service plus important. L’idée est que, si une personne accepte une première demande minime, elle sera plus encline à dire oui à une demande plus conséquente. Les hackers utilisent cette méthode pour obtenir des informations de façon progressive.
Exemple :
Un pirate peut demander un accès temporaire à une base de données pour résoudre un « problème mineur ». Une fois l’accès accordé, il pourrait demander des privilèges supplémentaires, sous prétexte que cela est nécessaire pour régler un souci plus grave.
LA PORTE AU NEZ
Il est gonflé celui-là !
La technique de la porte au nez consiste à formuler une première demande excessive, que l’on sait d’avance refusée, pour ensuite formuler une seconde demande, plus raisonnable en apparence. Cette technique repose sur la culpabilité que l’on ressent après avoir refusé une première demande.
Exemple :
Un hacker pourrait demander à un employé d’exécuter une action non autorisée. L’employé refuse. Le pirate fait ensuite une demande moins invasive, qui est cette fois acceptée car elle paraît moins dangereuse.
PETITE TECHNIQUE DE MANIPULATION
CONDITIONNEMENT AFFIRMATIF
Là, je dis oui !
Le conditionnement affirmatif consiste à poser une série de questions ou à faire des affirmations auxquelles la victime répondra toujours positivement, afin de la conduire à accepter une demande finale plus importante. Le fait d’obtenir plusieurs réponses positives d’affilée pousse inconsciemment la personne à maintenir cette dynamique et à dire « oui » à une demande plus sérieuse.
Exemple :
Un hacker pourrait commencer par poser des questions simples et non menaçantes comme :
- Vous êtes bien l’administrateur réseau, n’est-ce pas ? ou Vous avez accès à tel système ?
Après avoir obtenu plusieurs réponses positives, il demande l’accès à des données sensibles, car la victime est déjà conditionnée à répondre affirmativement.
LE PIED DANS LA MÉMOIRE
Cela me rappelle quelque chose
Le pied dans la mémoire est une variante du pied dans la porte, mais avec une approche plus subtile. Il consiste à rappeler à une personne une action ou un engagement passé pour la pousser à accepter une nouvelle demande en cohérence avec ses actions antérieures.
Exemple :
Un hacker peut rappeler à un employé qu’il avait déjà accepté de fournir une information ou d’effectuer une tâche similaire par le passé, et l’utiliser comme levier pour obtenir une nouvelle faveur, même si cette demande dépasse les limites de l’engagement précédent.
COMMENT SÉCURISER LES FAILLES HUMAINES ?
PARCE QU’ON VEUT DES SOLUTIONS !
Les failles humaines ne sont pas des vulnérabilités « numériques ». Elles nécessitent une approche globale qui combine éducation, sensibilisation et des processus solides. Voici quelques bonnes pratiques pour mieux sécuriser les failles humaines
- Mettre en place un SSI (Système de Sécurité de l’Information) : Un SSI ou l’intervention d’une entreprise spécialisée permet de former et de sensibiliser les utilisateurs aux risques liés à la cybersécurité. Le but est de faire comprendre les dangers et d’apprendre à reconnaître les tentatives de manipulation.
- Établir une méthodologie et des procédures écrites : Il est crucial de définir des procédures claires pour réagir face à des situations douteuses.
- La confiance n’exclut pas le contrôle : Ce principe est essentiel dans la cybersécurité. Il est toujours bon de vérifier les informations et de s’assurer que ce que l’on nous demande est légitime, surtout si l’interlocuteur est inconnu ou nouveau dans l’entreprise.
- Faire des contrôles d’information en entrée/sortie : Pour les entreprises, cela consiste à surveiller les flux d’information et à contrôler les accès aux données sensibles. Faire appel à des white hackers pour tester la sécurité des systèmes est une excellente méthode pour évaluer la résistance aux failles humaines.
- S’aider de ressources officielles : Pour les particuliers, des sites comme « Mon Aide Cyber » (Mon Aide Cyber) ou « Cybermalveillance » (Cybermalveillance) proposent de l’aide en cas de doute ou d’attaque malveillante. Ils offrent des conseils pratiques et des outils pour sécuriser vos systèmes et vos données personnelles.
CONCLUSION
QUE DOIT-ON EN RETENIR ?
En cybersécurité, les failles humaines représentent une des vulnérabilités les plus insidieuses et difficiles à corriger. Que ce soit par l’influence, la manipulation de la cohérence, la réciprocité, l’autorité, la sympathie ou à travers des techniques comme le pied dans la porte ou la porte au nez, les hackers savent comment exploiter les faiblesses humaines. Ces failles ne dépendent pas de technologies, mais de notre psychologie, ce qui les rend tout aussi dangereuses que les failles logicielles.
Les conséquences d’une cyberattaque basée sur la manipulation ne sont pas seulement matérielles ou financières. Se rendre compte qu’on a été manipulé peut aussi laisser des séquelles psychologiques durables, notamment un sentiment de trahison ou une perte de confiance en soi. C’est pourquoi se former en cybersécurité est essentielle pour apprendre à reconnaître ces techniques et s’en prémunir.
Mais en prenant le temps de se former aux bonnes pratiques et de développer des réflexes de défense, il est possible de protéger ses données et celles de son entreprise contre ces attaques.
Action !
Ne laissez pas les failles humaines mettre en danger votre sécurité. Mettez en place dès maintenant ces mesures de défense :
- Prenez du recul avant de répondre à une demande suspecte, même si elle semble provenir d’une source légitime.
- Vérifiez systématiquement l’identité de votre interlocuteur, surtout si une demande vous paraît inhabituelle ou urgente.
- Participez à des formations en cybersécurité pour mieux comprendre ces mécanismes et les contrer.
- Simulez des attaques sociales en entreprise pour tester la résilience des employés face aux manipulations.
- Protéger vos informations repose autant sur votre vigilance que sur les outils que vous utilisez. Adoptez ces bonnes pratiques dès aujourd’hui pour garantir la sécurité de vos systèmes contre les cyberattaques.
J’ai beaucoup aimé l’analyse psychologique des ressorts des hackers ! Passionnant ! Merci. ça me donne envie de me pencher sérieusement sur la sécurité informatique des mes outils.
Bonjour Naomie,
Merci pour ton commentaire 🙂
Ah je suis content, c’était l’objectif de cet article (comme des autres d’ailleurs), de sensibiliser et de se poser les bonnes questions pour agir 😉
Les failles humaines en cybersécurité représentent un angle l’angle à ne surtout pas négliger. Comme tu le soulignes très justement, renforcer encore davantage l’idée de la formation continue est, pour moi, la clé.
Le conseil le plus accessible et facile à mettre en pratique ne nécessitant ni formation poussée ni outils particuliers, mais juste un réflexe simple, est celui de prendre du recul avant de répondre à une demande suspecte, même lorsqu’elle semble venir d’une source légitime. Un simple moment de réflexion peut suffire à éviter bien des pièges.
Bravo pour cet article qui sensibilise avec pertinence !
Bonjour Alex,
Merci pour ton commentaire 🙂
Oui, prendre le temps de la réflexion n’est pas chose aisée, surtout quand on est sous « stress ».
À titre personnel, j’ai reçu un jour un appel d’un technicien me demandant les identifiants d’un compte avec des droits « mineurs » sur une application.
La personne connaissait pas mal de choses (le nom de mes collègues, de mon directeur) et était vraiment très carré dans sa demande, un pro.
Or, il s’agissait d’un test de sécurité mis en place par ma boîte (donc un white hacker) que j’avais au bout du fil.
Je n’ai donné aucun accès car j’ai suivi la procédure (et un peu mon ressenti), mais je pensais plus au fait que la personne au bout du fil ne connaissait pas notre processus d’authentification qu’à un hacker.
Merci pour ton partage ! Ton expérience est vraiment captivante et met bien en lumière l’importance de la vigilance. Un article dédié sur ce genre de tests de sécurité m’intéresserait beaucoup, surtout en explorant comment mettre les équipes à l’épreuve pour les aider à apprendre. C’est une manière efficace de renforcer la sensibilisation !
Bonjour Alex,
Mais de rien 🙂
Merci pour tes idées, j’avais déjà imaginé faire un article plus poussé sur les tests en milieu professionnel, cela influence forcément et sensibilise en même temps pour les comptes personnels 🙂
C’est dans ma liste (longue de 3 km) en tout cas.
Merci pour ton article qui vulgarise un sujet technique à la base. Avec tous ses exemples c’est un plaisir à lire.
Et cerise sur le gâteau, plein de choses à retenir pour ses propres usages, la principale faille étant humaine !
Bonjour Vincent,
Merci pour ton commentaire 🙂
Plaisir partagé pour la lecture de nos articles respectifs 🙂
Merci pour ton retour, j’essaie d’adapter la vulgarisation en fonction de la technicité du sujet, mais il faut que cela reste un plaisir à lire et, surtout, que l’on en retienne quelque chose 🙂
Merci pour cet article très instructif.
En emailiing, nous utilisons aussi en copywriting la technique des ouis successifs. Heureusement, celà reste encore éthique.
Je ne connaissais pas la technique de la porte au nez.
J’ai toujours été surprise que des personnes qui reçoivent un email leur promettant un gain de plusieurs centaines de milliers d’euros ou plus de la part d’un inconnu puissent y croire et se faire prendre.
Ces mails tendent à disparaître pour du phishing plus élaboré, mais on reçoit désormais très rarement, ce type de message.
Bonjour Diane,
Merci pour ton commentaire 🙂
Effectivement, le phishing devient assez « fin », mais en envoyant des centaines de milliers de mails promettant monts et merveilles, il y en a toujours qui se font avoir, même si c’est une infime minorité…
ah sujet d’actualité le hameçonnage! C’est effectivement envers soi qu il faut etre le plus vigilant. Merci pour ces indications
Bonjour Aurélie,
Merci pour ton commentaire 🙂
Effectivement, mais s’écouter en prenant du recul, en général cela suffit à déjouer pas mal de tentatives d’arnaques.
C’est impressionnant de voir à quel point l’aspect humain peut être vulnérable, même face aux meilleures technologies de protection. Tu expliques très bien comment l’importance de la formation et de la sensibilisation sont importantes pour mieux comprendre comment renforcer nos défenses. Je pense que c’est indispensable de se former dans ce domaine essentiel !
Bonjour Jackie,
Merci pour ton commentaire 🙂
J’essaie au mieux de transmettre l’information de manière digeste en proposant des actions, et je suis content de voir que cela plaît au travers des commentaires que je reçois.
Cela m’encourage pour les articles à venir, merci.
Merci Jérémy pour ce super article truffé d’astuces et de bons conseils pour faire face aux ruses toujours plus poussées des hackers! La manipulation psychologique semble malheureusement être leur technique favorite et il est essentiel d’apprendre à se préserver et se protéger ✨ Le contenu de ton article semble complet et bien structuré et sa lecture est très agréable 🍀
Merci beaucoup Camille pour ton retour 🙂
Cela m’encourage à continuer à travailler en ce sens pour fournir des articles pertinents et agréable à lire (et des passages à l’action) 🙂